Ceux qui se sont déjà intéressés au déroulement d’une partie de jeu de rôle on peut-être pu constater que certains moments constituent de véritables terrains d’étude des relations sociales, et a fortiori de divers phénomènes psychologiques (manifestation d’émotions chez les participants, relations de groupe etc.).
Ici, plutôt que de me lancer dans des conférences de cafés sur des adolescents instables et l’intérêt discutable que leur porte certain(e)s prétendu(e)s journaliste(s), je vais tacher de rappeler les composants d’un climat psychologique propice à installer une ambiance de qualité lors de vos parties.
La psychologie, c’est quoi en JDR ?
Un vieux dictionnaire Robert qui a échoué dans ma chambre me dit que la psychologie, dans son sens second , c’est : » La connaissance spontanée des sentiments d’autrui ; [l’] aptitude à comprendre, à prévoir les comportements »
La psychologie en jdr, peut se définir selon moi comme une approche particulière que devrait adopter un meneur de jeu par rapport à ses joueurs s’il souhaite favoriser le plaisir de jeu de TOUS les participants.
User de psychologie avec ses joueurs, c’est un peu comme choisir les cadeaux de Noël pour la famille :
On achète en fonction de la personnalité/goûts de chacun, car si Junior se retrouve avec un livre sur les persécutions de la 2nde guerre, votre conjoint avec une poupée de Dora-parle-aux-enfants, et papi avec de nouvelles boucles d’oreilles, pas sûr que le moment de la remise des cadeaux soit le plus réussi du réveillon.
La psychologie en JDR c’est essayer de connaitre ses joueurs pour leur faire plaisir et dans une certaine mesure, de se mettre à leur place.
Avoir « un climat psychologique favorable », c’est une compétence ou un attribut ?
Un climat psychologique favorable est une situation où les participants à un JDR sont dans un état d’esprit propice à un échange d’idées et à la transmissions d’émotions. L’avantage d’avoir un bon climat psychologique à votre table de jeu, c’est naturellement de prendre plus de plaisir à jouer / faire jouer, ce qui est encore une fois le but premier d’une ambiance.
Secundo, avec un bon climat psychologique, les émotions que vous souhaiterez communiquer à vos joueurs risquent de mieux passer et cela avec un meilleur impact.
Tertio ; meilleur est votre climat, plus grandes sont vos chances d’anticiper sur les réactions de vos joueurs, leurs attentes, leur émotions etc.
Comment je fais pour améliorer le climat psychologique à la table de jeu ? Je jette un D100 ou un D20 ?
Améliorer son climat en faisant preuve de psychologie, c’est à la portée de tout meneur de jeu soucieux de bien faire, il y a des tonnes de recettes, et je me mords d’avance les doigts de crainte d’en oublier :
Un Mj qui veux établir un climat psychologique favorable à sa table de jeu doit tout d’abord inspirer une saine confiance à ses joueurs en faisant preuve d’impartialité, de souplesse et de fermeté.
La confiance ? Ce truc qui a décimé des centaines d’aventuriers dans l’est de l’univers ?
Quand je parle de » confiance » je ne veux pas dire que vos joueurs doivent faire confiance aux PNJs que leur personnage rencontreront, ni qu’ils pensent que vous allez trouver une astuce pour les sauver de ce Balrog auquel ils ont voulu vendre des merguez avariées, non, la confiance dont je parle est celle que vos joueurs vous accorderons à vous, monsieur MJ, lorsque vous aurez prouvé que votre monde/scénario/gestion des règles n’est pas une vaste » tappette à PJs « , un piège à personnage.
C’est seulement si la confiance règne que le climat psychologique de vos parties sera au beau fixe, favorisant vos échanges d’idées, l’intensité de votre ambiance dans les moments dramatiques et votre plaisir de jeu.
Dis, et moi ? Est-ce que mes joueurs me font confiance ?
Certains indices sont révélateurs de l’indice de confiance régnant à votre table :
peu de confiance :
vos joueurs râlent souvent, maugréent dans leur barbe quand les évènements du jeu tournent en leur défaveur ;
vos joueurs chuchotent entre eux, en prenant bien soin de ne pas vous laisser entendre ce qu’ils disent ;
vos joueurs contestent souvent votre gestion des règles, argüant par exemple de la gestion des blessures sur les chinchilas de niveau 2 dans l’édition 5.456 des règles en Néerlandais ;
vos joueurs sont cyniques, grinçant, limite désagréables, échangeant peut-être de petits sourires entendus et protestataires entre eux ;
votre groupe ne rit pas souvent à l’unisson ;
vos joueurs râlent pour voir vos jets de dés ;
vos joueurs jouent au jeu de » celui qui déniche l’invraisemblance chez le meujeu « , ils triomphent lorsqu’ils réussissent à vous prouver, bande son à l’appui que le PNJ n’avait que 12 balles et pas 13 dans son arme, que l’auberge du début de campagne s’appelait » AU chat crevé » et pas » LE chat crevé » ;
vous avez la désagréable intuition que certains joueurs prennent parfois un malin plaisir à saboter vos efforts pour mettre de l’ambiance ;
vos joueurs semblent prendre un malin plaisir à » décoller la tapisserie de vos scénarii » pour voir s’il y a « quelque chose derrière » : du genre,
ils sentent que leur enquête les guide vers Budapest où se déroule votre scénario, mais ils décident souvent d’aller prendre des vacances à Tokyo, en faisant des batailles de Sushis dans des restos chics. Votre barde d’AD&D veut acheter une pédale Wha-Wha pour sa vielle avant de devenir Super-Star du » Roc » . Votre prêtre décide d’aller construire une maison plutôt que d’aller sauver les prisonniers de la liche. (N.B. Bien évidemment cette attitude est juste marrante tant qu’elle ne se produit pas systématiquement) ;
indice de confiance élevé :
Vos joueurs n’hésitent pas à vous faire part de leur craintes quand à la suite du scénario ( » espérons que les Profond ne choisiront pas cette nuit pour attaquer le bateau « , » pourvu que l’inspecteur Biales ne soit pas devenu un zombie « , » …y manquerait plus que quelqu’un ai cambriolé notre chambre pendant qu’on cassait du méchant ! « , » je prie pour que les pics de la fosse n’ai pas été empoisonnés » )
Lorsqu’il arrive une sérieuse tuile au groupe de PJs (mort, trahison, perte d’un objet précieux), vos joueurs ne vous regardent pas des reproches/amertume pleins les yeux, mais se demandent entre eux ce qui à été négligé/oublié/provoqué etc.
Vos joueurs sourient beaucoup (mais pas ciniquement)
Vous souriez beaucoup
Quand vous dites à un joueur qu’il reste 2 flèches à son personnage, il ne se rue pas systématiquement sur sa feuille de perso, une calculette à la main.
L’ambiance est légère
Vous ne vous sentez pas mal à l’aise par rapport à un/plusieurs joueurs
Vos joueurs vous gardent des chips du paquet qui tourne à table ;]]
Vous n’avez pas l’impression que les propositions du précédent paragraphe ( peu de confiance ) s’appliquent à votre groupe.
(1 commentaire)
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J’ai eut par le passé quelques gros problèmes de climat psychologique tendu. Je me souvient même avoir du écrire une lettre ouverte aux PJ pour rappeler que je n’étais pas leur salarié mais que j’étais le MJ, c’est à dire également un joueur, et que moi aussi, je comptais m’amuser en maitrisant, que je maitrisait POUR eux et non pas pour moi et CONTRE eux. Sauf que quand il faut mettre les choses au point, c’est déjà bien pourri comme situation. Ca peut cependant contribuer à redresser un tantinet la barre, bien que les plus hostiles ne changeront pas forcément d’avis pour autant.
Désormais, j’applique quelques méthodes, quelques petits trucs pour être sure que le climat autour de la table soit un climat de confiance :
– Rappeler l’évidence avant même que la partie commence : je ne joue pas pour faire souffrir les PJ mais pour m’amuser avec les joueurs. On ne va pas jouer à Bisounoursland, mais je ne m’amuserai pas à faire souffrir les joueurs par sadisme.
– Demander aux PJ leurs attente et leur dire précisément les miennes : on ne mélange pas HJ et RP, j’ai envie de faire jouer ça et ça, la pièce voisine sert pour les apparté, j’ai une arbalette chargée sous la table si tu t’approche ne fut-ce que d’un pas des bd, etc. Si le jeu risque d’aborder des thèmes trash, ben je le signale aussi et je demande aux joueurs – à part – s’il y a des sujets avec lesquels ils se sentent particulièrement mal à l’aise (« ha bon, t’as été victime d’inceste aggravé dans ton enfance ? Ben zut alors, si j’avais su avant de commencer cette partie de Kult, j’aurais peut-être pas mis de scènes glauques dans ce bordel pour pédophiles » ça doit être un moment tellement délicieux, hein ?)
– Rappeler les règles aux joueurs avant la partie et si nécessaire en cours de partie pour éviter qu’un PJ ne se sente lésé parce qu’il ne comprend que dalle et sent qu’on l’entube en profitant de son ignorance.
– Si j’ai adapté certaines règles à ma sauce, celle-ci sont écrites noir sur blanc pour les PJ.
– Discuter avec les PJ : puisque je ne joue pas contre eux mais avec eux, je peux leur demander leur avis sur un point de règle problématique ou oublié, sur leurs attentes concernant la partie, la chronique. Si plus tard il s’avère que je me suis planté dans mon application des règles, au moins l’erreur est-elle celle de tous et pas la décision arbitraire du MJ. Et rappeler qu’on peut discuter de tout durant des pauses – en plein combat, on ne discute pas, on gère au plus pressé.
– Ne jamais engueuler un / les PJ, même quand ils font chier, même quand ils trichent de façon éhontée, même quand ils optimisent comme des porcs, même quand ils ont tort. Surtout s’ils ont torts. Parce qu’ils ne le ressentiront jamais comme un tort de leur part. Mettre le nez dans le caca des PJ merdeux, ça soulage, surtout quand on se sent dans son bon droit et menacés par une fronde de PJ, mais on n’est pas à l’école et ils ne sont pas nos élèves. Bonjour l’ambiance après. Oui, c’est pas toujours facile et la tentation peut être grande, très grande, et le coté obscur de la force est si séduisant… Mais bon, pour avoir vécu une enguelade de PJ du coté coloré de l’écran de jeu y a pas longtemps, j’ai acquis la certitude que non, c’est pas du tout une bonne idée.
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