Voici une tranche de vie personnelle dans le cadre de la déclaration d’amuuuur rôlistique « Moi, rôliste » lancée par le valeureux général Alias.
Août 2007, le nez devant mon écran. Je suis en train d’éditer mon Curriculum Vitae en vue d’un recrutement important. Vient la partie « Divers » où l’on parle traditionnellement de nos aptitudes linguistiques, de nos permis de conduire et de notre passion dévorante pour le curling.
Je me souviens avoir passé quelques minutes à me demander si j’allais y écrire : « jeux de rôles« .
Pourquoi hésiter ? Eh bien Parce que je ne sais pas qui va lire mon CV…
Deux questions m’assaillent :
- Quelle sera la réaction de mon recruteur s’il en est resté aux clichés catastrophistes diffusés dans cette vieille émission de « Mireille Dumas » ?
- L’évocation d’un jeu dans mon CV n’allait-elle pas faire de moi LE candidat qui aime les enfantillages ?
Est-ce que je n’allais pas saboter mes chance d’être recruté pour le poste ?
Peu à peu toute mes interrogations trouvent une réponse :
- Pour le coup de Dumas, abordons la situation dans l’autre sens : ce n’est finalement pas une balle que je me tire dans le pied mais plutôt un tremplin que je dépose dans mon CV. Une excellente occasion d’échanger avec mon recruteur, une mise en situation où je pourrai lui démontrer in situ mes talents de diplomate, de pédagogue et si besoin de preneur de décision – Autant de qualités recherchées au poste proposé. Au pire des cas, ça me donnera l’occasion de défendre symboliquement les couleurs du jeu de rôles, un loisir qui m’a tant apporté.
- Pour le coup de l’association (inexacte) entre jeu et infantilité, je compte déjà sur l’impression générale que je donnerai à mon interlocuteur : une dose de sérieux, une mesure de prudence, une bonne livre de pragmatisme et un zest d’humour machete. Avec ce cocktail, je ne passerai pas pour un professionnel immature. Dans un autre registre, je suis convaincu que l’adulte qui considère son enfance comme une période de fondation de sa personne est mieux « construit » que celui qui s’efforce de renier son enfance comme s’il s’agissait d’une maladie honteuse. De toute façon ce n’est pas vraiment la peine de me préoccuper de l’image du jeu dans la société où je postule, après tout elle réalise des jeux vidéo !
Quelques jours plus tard, mon CV et sa mention « jdr » semblent faire mouche puisque je suis contacté pour un premier entretien.
L’entrevue débute très bien, je me sens sur la même longueur d’onde que mon interlocuteur qui tout d’un coup, il enchaîne : « Alors comme ça vous faites des jeux de rôles ?« .
Demi seconde d’hésitation avant de lui répondre joyeusement par l’affirmative et de lui dire à quel point ce loisir à pu être épanouissant pour moi.
Echange de sourires.
Le reste de l’entretien s’est bien passé, au point de se terminer sur une proposition et une poignée de main d’embauche !
Plus tard j’apprendrai deux choses :
1 – Ce job a été mon ticket d’entrée dans le milieu où je travaille actuellement.
2 – Le recruteur m’a avoué que le petit plus qui l’avait complètement décidé c’était précisément que je sois rôliste !
Aujourd’hui, je joue toujours avec grand plaisir et trouve même régulièrement de nouvelles vertus à ce loisir¹. Bref, si ce n’était pas déjà évident, je tiens a faire ma déclaration d’amuuuur au jeu de rôle.
Pour ne pas paraphraser ce que d’autres avant moi ont pu relater et expliquer sur les vertus du jdr, je vais simplement vous proposer quelques chiffres assez évocateurs des bienfaits du jdr dans ma vie.
Important!
Quelques milliers – le nombre d’euros consacrés directement ou indirectement à cette passion (oui, le jdr profite également aux entreprises françaises)
1989 – l’année au cours de laquelle j’ai pu découvrir le jeu de rôle sur les bancs du collège (le jdr est un outil de socialisation)
plus de 110 – le nombre de livres que j’ai pu lire sur le jdr ou en rapport documentaire avec le jeu de rôles (le jdr stimule et favorise l’acquisition de la culture et du savoir)
près de 200 – le nombre d’articles que j’ai pu rédiger sur le jeu de rôles et sa pratique (le jdr développe les facultés d’expression écrite)
une grosse centaine – le nombre de personnes que j’ai eu le plaisir de rencontrer et d’accueillir à ma table à l’occasion d’une partie de jeu de rôles. Ensemble nous avons rit, frémis, trépigné et vécu de folles histoires. Un bon quart sont d’ailleurs devenus d’excellents potes. J’ai même connu quelques épisode plus
« personnels » aux époques où j’étais célibataire (le jdr est un merveilleux prétexte pour rencontrer des inconnus, échanger avec eux et tisser du lien social)
une bonne vingtaine – le nombre de personnes auxquelles j’ai eu le privilège de proposer leur toute première partie de jdr (le jdr est un prétexte ludique génial pour intégrer de nouveaux arrivants au sein d’un groupe)
5 – le nombre de joueur(se)s à la timidité maladive que j’ai admiré s’affirmer par la pratique régulière du jeu de rôles (le jdr participe à la construction de l’ego et à la saine affirmation de soi)
des pétramolgons – le nombre d’oeuvres graphiques, sonores, littéraires, vidéo, et logicielles que j’ai pu réaliser en rapport avec le jeu de rôles (le jdr favorise l’acquisition de talents techniques, artistiques et intellectuels connexes)
En résumé, j’ai pu observer le jeu de rôles comme un excellent outil de lien social, capable de rapprocher des individus d’horizons différents et même de concilier leurs différences grâce au filtre de la fiction.
Le jeu de rôles a été pour moi un terrain ludique d’épanouissement social, intellectuel, philosophique et dans un certain sens spirituel (au sens de recherche de la Vérité).
J’irai jusqu’à dire que le jeu de rôles est un laboratoire de la vie dans le sens où il permet d’expérimenter directement et indirectement des situations, des émotions, de découvrir des concepts nouveaux et de tous les éprouver de manière fictive.
Ces expériences vécues fictivement préparent à leur meilleure appréhension lorsqu’elles se présentent en conditions réelles. Un peu comme une simulation de la vie en toute sécurité.
En ce sens, le jeu de rôles me semble formateur comme nul autre loisir.
Vous l’avez saisi, je suis bien un rôliste.
¹Si vous voulez savoir, la dernière en date c’était avant-hier avec François, on se disait que la création d’intrigues pouvait parfois être abordée comme un excellent exutoire, voir un exorcisme – par la dérision, la satire ou le grossissement – de craintes collectives face à l’avenir. En témoignent le nombre inhabituel de jeux à thématiques apocalyptiques qui sont diffusés en ce moment.
(2 commentaires)
Je me souviens d’un ami qui devait passer le concours national pour intégrer l’école de sous-officiers de la gendarmerie nationale, que j’avais initié au JDR il y a quelque temps, et qui depuis, participait régulièrement et avec plaisir aux parties de Donj’ que j’organisais.
Après les épreuves écrites, il m’avait fait part d’un questionnaire qu’il avait lui, perçu comme un questionnaire de « dépistage de problèmes psychologiques ». Dans ce fameux document rempli de questions fermées (« oui/non »), il y avait la fameuse question « Pratiquez-vous le jeu de rôles? ». D’après ce qu’il m’avait raconté, c’était clairement le genre de questionnaire où le fait de répondre par « oui » à une question sous-entendait qu’on avait un problème psychologique (un peu comme ces questionnaires médicaux d’assurances où le fait de répondre par « oui » à une question double le prix des cotisations…). Pour sa part, il a répondu « non » et a finalement réussi ses épreuves…
Ton récit me fait sourire car c’est un fameux clin d’oeil au JDR et à l’épanouissement qu’il procure. Tu peux en effet te vanter d’avoir eu ton job grace au JDR, ce qui est une victoire en soi! 😉 Cependant, le JDR n’est malheureusement pas aussi bien vu partout, même s’il s’est largement démocratisé ces dernières années. Allons donc, les choses changent!
Comme quoi un loisir tel que le jeu de rôle n’est pas une chose honteuse qu’il faut cacher, mais bien une source d’épanouissement personnelle.