Des intros Béton !

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Sur les bancs du collège, j’ai appris deux ou trois trucs utiles, par exemple…

Un jour, un prof (Merciii Monsieur Mougin !!!!) nous a dit en substance :  » Dans un livre, le moment décisif, c’est l’introduction ; c’est là où vous sentez si vous allez être transporté… » Avec le jeu de rôle, c’est pareil, vos joueurs seront spécialement réceptifs à l’intro que vous ferez à leurs personnages (individuellement, ou en groupe).

Si votre intro déchire, vos PJ seront comme charmés, transportés dans votre intrigue (pour la première demi-heure au moins, après, il faudra continuer à assurer !)

Le même prof nous disait 2 min plus tard : « … Si vous sentez qu’un livre ne vous plaît pas, et bien refermez-le, arrêtez de le lire … même si tout le monde vous dit qu’il est très bon ! « .

Où je veux en venir ? Avec les Jeux de rôles, c’est pareil : si votre scénario n’inspire pas vos joueurs, ils vont « refermer » leur attention. Ils vont arrêter d’être immergés dans l’ambiance, mais comme ils sont civilisés (la plupart), ils ne vont pas quitter votre table de jeu, ils vont rester par politesse, ou parce qu’ils attendent un joueur qui les ramènera chez eux à la fin de la partie etc… (Les plus vicelards de vos chers joueurs resteront simplement pour vous montrer tout le gros tas de reproches façon mucus spongieux que votre scénario leur inspire.

Résultat : Si vous manquez votre intro, à la place de vos fiers et preux joueurs de d’habitude, vous risquez d’hériter :

- d’un dessinateur fou
- d’un sculpteur sur bougies
- d’un dormeur qui ronfle
- d’une opératrice GSM parlant avec ses copines
- d’un campeur fou qui va constamment se lever pour chercher à bouffer et inventer des recettes débiles (Cool ! Des spaghettis aux croissants !)
- d’un gars qui essayera de vous provoquer en repoussant sans raisons votre limite de tolérance au stress (Tu dis que l’expérience est la seule façon d’augmenter son charisme ? Et bien, au lieu d’aller au rendez-vous de ce PNJ, je vais aller dans une clinique de chirurgie plastique ! On va voir ce qu’on va voir !)
- d’un marionnettiste fou (vous le reconnaîtrez car ce sera le seul à se glisser sous la table avec la peluche « mascotte » du groupe et à pousser des couinements bizarres tout en agitant frénétiquement la peluche : « Bouhhhh ! Je suis Niarlatothep ! Booouuuhhh ! Ibn’Kthulhu arrrrrrrr ! »)

Une fois que le joueur de base décroche du scénar, c’est un travail de titan pour le ramener dans l’ambiance ; il est maintenant bien plus préoccupé par l’origine des lézardes au plafond de votre salle de jeu que par l’expédition pour sauver la princesse !

SOLUTION : Une nouvelle fois : SOYEZ PUISSANTS !!

Balancez-leur des électrochocs à neurones lors de votre intro ! Faites des 15 premières minutes de jeu un véritable ascenseur supersonique qui catapultera leur esprit vers le monde imaginaire où se passe votre scénar !

Les composantes de base de toute introduction…

Composez toujours votre intro avec les trois éléments suivants :

1 : Une description (QUE VOUS NE DEVREZ PAS LIRE, MAIS BIEN RACONTER EN VOUS ADRESSANT AUX JOUEURS, en les regardant dans les yeux, ils se sentiront plus concernés)

2 : Un « échange de commandes » des PJ avec leurs joueurs.

Je m’explique : au tout début du scénar, vous êtes forcé de décrire quelque chose (au moins un truc du genre :  » il fait nuit « ), à ce moment, c’est vous qui décrivez les faits & gestes de tous les PJ ; c’est donc vous qui avez « les commandes ». Ensuite vous échangerez ces commandes des PJ avec les joueurs, c’est à dire que vous leur signifierez qu’ils peuvent maintenant interpréter librement leurs PJ. du genre : « Bon, que faites-vous maintenant ? »

3 : Enfin, l’élément clef pour l’ambiance, c’est à dire LE OU LES ELEMENTS D’ACCROCHE (sur lesquelles vos possibilités sont très étendues : une scène d’action épique qui commence, un évènement qui semble incompréhensible, un cri, un très gros plan (comme au ciné) un souvenir d’un PJ…).

Les règles d’organisation d’une intro :

Avec ces trois éléments précités, (description, échange de commandes et accroche ) vous êtes libres d’imaginer TOUS LES MELANGES ; comme pour faire une bonne vinaigrette ; mélangez l’ordre de ces trois composants ainsi que leurs proportions :

ex : Donnez les commandes aux PJ avant de leur donner une accroche puis une description, puis laissez-les faire une ou deux actions avant de reprendre « les commandes » et de lancer un dernier élément d’accroche.

Sachez – je le répète – simplement préserver les trois éléments de base : description, échange de commandes, accroche.

Gardez encore cette règle d’or à l’esprit : NE LISEZ JAMAIS VOS INTRO ! Rendez-les les plus vivantes possibles en vous adressant directement à votre groupe de joueurs. Sachez capter leur attention en les regardant successivement dans les yeux lorsque vous parlez, c’est important !

Deux types d’intros pour deux types de joueurs…

I – Comment réussir une bonne intro pour des joueurs débutants…

Pour eux, vous devrez plutôt concocter une intro valorisante/stimulante. Pourquoi ? Parce qu’il est important de mettre en confiance le joueur débutant pour qu’il n’hésite pas, par la suite à prendre des initiatives.

Ne faites pas dans le stabilisant pour faire valoir vos compétences de « Super-MJ-tue-la-gueule » mais optez plutôt pour le « cinématographique » simple, METTEZ-LEUR LE VENT EN POUPE !! Flattez leur ego de joueur, allez-y en couches épaisses, histoire qu’ils daignent prendre les commandes du PJ qu’ils viennent de créer (évitez donc de faire commencer leurs PJ clodos, rossés par une bande d’adolescent boutonneux sous un pont de Londres, votre scénar risquerait de les enthousiasmer à peu près autant que l’idée d’enfiler ces vielles chaussettes de randonnée que votre chien baveur a prit en affection 😉

Concrètement, je vous suggère de les plonger d’emblée dans une scène d’action. Ces scènes ont l’avantage (pour les hommes en tout cas) de les plonger tout de suite dans l’ambiance.

Exemples : Contemporain/Cyber :
- Les PJs sont dans une sorte de limousine, ils arrivent dans une ruelle sombre où la voiture s’arrête, ils sont accompagnés de membres du sexe opposé avec lesquels ils semblent passer du bon temps. Tout à coup, un coup de feu fait voler le par-brise en éclat / un choc assourdissant frappe la voiture : un homme vient de tomber sur le capot. Décrivez cela de façon théâtrale en parlant des PJ à la troisième personne. Passez un morceau de musique langoureuse jusqu’au moment du « choc » où vous enchaînerez avec un morceau bien agressif.

Med-Fan :
- Les PJ dirigent une troupe d’une vingtaine de guerriers, ils sont en train de tendre une embuscade à un campement voisin. Décrivez l’approche, la charge et la mêlée de façon à ce que les joueurs puissent sentir que leurs joueurs sont importants, un minimum sûr d’eux (un prisonnier du campement pourra leur proposer votre scénario). Ne faites pas jouer la scène d’embuscade, contentez-vous de la décrire.

II – Les joueurs expérimentés

Pour des intros destinées à des joueurs -à-qui-on-ne-la-fait-plus- vous allez devoir vous creuser la tête d’avantage.

TERMINEE l’auberge de rendez-vous basique, fini les messages-scénarios reçus au domicile des PJ, banni le « depuis votre dernière aventure vous avez cherché de travail, justement… » VOS JOUEURS ONT LE DROIT A UN PEU PLUS D’ORIGINALITE !

1 – Jouez sur les clichés

Trompez délibérément vos joueurs : Faites leur croire, par votre description de l’intro, que tout va se passer traditionnellement puis, dès qu’ils pensent avoir trouvé leur repères, bouleversez les règles…

Le genre Med-Fan est particulièrement concerné par ce phénomène de clichés :

L’auberge habituelle de début de scénar… Un des pires cliché avec le temps ! Les joueurs vont systématiquement s’y rendre en attendant le vieil homme encapuchonné qui leur donnera du travail.

Anti clichés :

- L’auberge est complètement vide, il n’y a personne à l’intérieur, aucun client et aucun cheval n’attend à l’extérieur. Même les rats ont déserté l’édifice. A vous de trouver pourquoi…

- Toutes les personnes à l’intérieur de l’auberge sont retrouvées mortes, à l’exception d’un jeune enfant.

- L’auberge est sujette à une prise d’otages médiévale avec tromblons, arbalètes et masques médiévaux etc…

- L’auberge est en fait un bloc de pierre massif remarquablement taillé. Aucune porte ou fenêtre ne s’ouvre, aucun volet ne bouge… Qu’en est-il du reste du village ? Et pourquoi ?

- A la nuit tombée, un des PJ se trouve dans l’auberge habituelle de début de scénar. Laissez-le pratiquer les interactions de bases (repas, drague de serveuse, jeu de carte etc… sans vous éterniser car les autres joueurs attendent !) Puis, dites-lui qu’il remarque dans l’auberge « une personne qui ressemble étrangement à [nom d’un autre PJ qu’il n’a pas encore rencontré]… » invitez le joueur concerné à décrire son personnage mais veillez à ne laisser prendre aucune autre initiative « en jeu ». Les deux joueurs vont alors imaginer 50 manières pour se rencontrer et discuter avant d’aller butter le monstre du scénar. Mais dès que le deuxième PJ souhaitera faire qqch. , adressez-vous à tous en disant « J’ai dis qu’il lui ressemblait, pas que c’était lui ! » Puis, faites faire qqch de vraiment étrange à ce PNJ à l’apparence de PJ…

La sempiternelle place du village…

Vos PJ y resteront agglutinés jusqu’à la mort, ou jusqu’au scénar, dans l’espoir qu’on leur confie une mission. Lamentable !

Anti clichés :

- 18 PNJ abordent successivement/cumulativement le groupe de PJ pour leur confier 18 missions invraisemblables (c’est la guilde des voleurs qui a soudoyé des mendiants pour occuper les PJ pendant qu’ils tentent un coup fumeux (le vol des montures des PJ par ex…)

- Un vieil homme aux allures de magicien les aborde en leur parlant d’une mission qu’il doit leur confier, c’est un Vampire/loup-garou qui veut les amener à l’écart pour mieux apprécier son futur repas.

- Alors qu’ils attendent sur la place pour trouver du travail, organisez-donc un siège de la ville.

2 – Mettez vous aux cinématiques

Si, comme moi, vous considérez les films et les séries comme une mine d’inspiration pour JDR (X-files !), vous n’allez pas avoir de mal à mettre en scène d’excellentes intros de scénarios.

Inspirez-vous de films comme Seven, Lost-Highway, Alien, Léon, Conan le barbare (jusqu’à son affranchissement), The Game, Dark City, The Crow, Nikita la trilogie des Matrix, Kill Bill et les autres Tarantino . Pour les séries, évitez l’Agence Tout Risque pour vous inspirer des Intros D’X-files, Twin-Peaks ou the Shield etc…

Ce que vous devrez faire, c’est bien analyser les cinématiques, observer les plans de caméra, repérer l’importance des regards, des gros plans sur des objets à l’air anodins, la place réduite des dialogues, le rôle des éclairages (des couleurs dominantes), des lignes de vues des acteurs (vapeurs, brouillard…).

Ensuite, notez ce qui vous a plu dans ces scènes (c’est souvent le travail le plus ardu), puis composez votre film imaginaire d’intro (Passez une musique du scénar en même temps pour vos griser de l’ambiance).

L’important, c’est de vous faire plaisir à vous et vos joueurs, lorsque vous leur ferez jouer cette intro.

3 – L’incompréhensible

Pour les meilleurs improvisateurs, lancez les PJ dans une intro totalement incompréhensible, même pour vous, vous trouverez une explication en cours de jeu (souvent basée sur les spéculations de vos joueurs).

- Un PJ s’est endormi devant sa télé, il est réveillé la nuit par des feulements et hurlements de chats se battants, à l’origine des cris, un poste audio abandonné dans son jardin passant en boucle une étrange plage de CD.

- En rentrant chez lui un soir, un PJ arrive sur le plateau d’une émission TV : « MOTEUR ! »

- Après avoir bu un soda, la vue d’un joueur se modifie pour tout lui faire voir en nuances monochromes rouges.

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(2 commentaires)

    • Yakuru on 9 mai 2011 at 9 h 29 min

    Je crois que c’est ce post, en particulier, qui a déclenché en moi le déclic « Descriptions » il y a de nombreuses années… C’est celui qui m’a fait comprendre l’importance de la mise en scène en JDR, et qui m’a fait réfléchir à mes parties (avec plus ou moins de succès ^^) comme pourrait le faire un réalisateur de film ou de série TV.

    Depuis, les parties de JDR n’ont plus rien à voir.

    Rien que pour ça, j’en remercie chaudement Steve et toute l’équipe!

    1. Merci, on aime allumer des étincelles 😉

      Et je vois avec plaisir que ce goût peut se transmettre

      Que du plaisir !

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