Soigner l’apparition de ses monstres

Les rencontres de monstres constituent selon moi l’un des plus beau gâchis d’ambiance en jdr. Quel joueur peut encore ressentir des frissons lorsqu’il rencontre un zombie à AD&D ?! quel MJ de jeu de rôle médiéval fantastique prend encore le soin de bien « faire monter la tension » avant une attaque d’orc ? Arg ! Je m’étouffe ! MJ ! Arrêtez de tout saccager ou je rend mon tablier ! Les monstres par définition doivent être inhabituels, déroutants, terribles etc… C’est toute la différence entre un elfe (à la morphologie relativement inhumaine) et un orc : une rencontre avec un elfe n’est (normalement ) pas déroutante car l’elfe est une race relativement répandue dans tout monde med-fan traditionnel qui se respecte. En plus l’elfe est civilisé, alors MJs, pourquoi ne réagissez-vous plus lorsque vos PJ restent autant sous adrénaline lors d’une rencontre avec une troupe de gobelins sanguinaires qu’avec un vieux nain dans une taverne ?!!!

Une apparition de monstre est à mon sens TOUJOURS un évènement à soigner, en tout cas tant qu’on ne joue pas un un jdr d’humour bon enfant. Un moment de tension, où les joueurs autant que leurs PJs devraient ressentir une tension. Alors pour rendre à vos squelettes, démons et autres horreurs innommables leurs lettres d’or, voici quelques conseils :

1 – Mieux vaut la qualité à la quantité

Par là, je veux dire qu’il vaut mieux réduire le nombre d’apparitions de monstres dans un scénar pour les rendre un peu plus spectaculaires. Pensez à n’importe quel film de monstres célèbres : les faits sont là : tant que vous n’avez pas collé une image, un mode de déplacement, de reproduction et d’alimentation sur l’horreur vedette, vous restez sous tension parce que votre imagination travaille . Dès que l’on voit ce monstre plus de 10 secondes en pleine lumière en train d’essayer de grignoter le héros au cour d’un combat, la tension retombe : tout le monde se remet à re-manger du pop-corn en plaisantant avec son voisin. D’où cette première règle : réduit tes apparitions de monstres, surtout si tu joues à un jeu d’horreur !

2 – Mieux vaut tard que tôt

Dans l’optique de la règle N°1 : il est préférable de retarder une apparition de monstre jusqu’au dernier moment (généralement celui où c’est inévitable pour le MJ). Lors d’une campagne de très célèbre, je me souviens que notre groupe de PJ a du attendre le 4è salcénario pour tomber nez-à-nez avec un vrai monstre. La seconde fois, c’était vers la 10è séance ! Je vous raconte pas l’émotion autour de la table de jeu ! C’était nous, les joueurs et MJ, avant nos PJs qui voulaient s’enfuir ! Pas étonnant après 3 scénarios de mijotage d »ambiance et de tension grandissante.

3 – Soigner la période d’avant l’apparition

 » Votre monstre ou votre groupe de monstres devra attaquer les PJs sur la colline, avant le pont  » c’est en gros ce qui peut être écrit sur les pages de votre scénario. Maintenant, au lieu de  » balancer  » benoitement vos hommes-lézards sur vos PJs, pourquoi ne pas faire jouer les 2kms avant la rencontre où les PJs découvriront les totems primitifs en bordure du chemin, les cadavres de la cinquantaine de gobelins qui leur ont servi de derniers repas, les vautours massés autour du grand tas d’os près du lieu de l’attaque, et le bruit des pierres qui se dérobent inexplicablement sur les pentes de la gorge qu’empruntent vos PJs ? Essayez au maximum de faire présager le pire à vos joueurs, laissez-les surestimer le nombre/la force/discrétion de vos monstres. Si vous le pouvez, essayez aussi de harceler vos PJ par des « quasi-apparitions » qui leur feront croire qu’on les considère comme du gibier (des buissons bougeant au loin, une silhouette ramassée qui disparait dans l’ombre à un bout de couloir, un hurlement lointain d’une de leur victime, un grognement derrière eux, puis quelques secondes après, un feulement sur leur gauche). Faites paniquer vos joueurs, essayez de les titiller psychologiquement.

4 – Garder le mystère aussi longtemps que possible

Considérez vos monstres comme autant d’atout de jeu de carte, cachez-les aussi longtemps que possible, et faites en sorte que le moins de personne ne sachent que vous les détenez.

Aussi, dans la mesure du possible, lorsqu’un affrontement aura lieu, essayez de ne pas tout dévoiler du monstre : arrangez vous pour que les combats se déroulent dans l’obscurité, que vos monstres s’enfuient avant de revenir pour une deuxième attaque, ne décrivez que certaines parties de leur anatomie (une tentacule sous une porte, des crocs dans la nuit, des griffes surgies de nul part etc…) . Essayez aussi de leur faire attaquer les PJs isolés sans les tuer ; dans ce cas, priez tous les autres joueurs de se lever et de sortir de votre local de jeu quelques instants juste histoire de jouer une première rencontre entre le monstre et le PJ du joueur restant en solo. Ensuite arrangez-vous pour que le monstre s’écarte à nouveau de la scène, faites revenir les autres joueurs avant une nouvelle attaque en règle de tous les PJs etc…

Vous interprétez déjà vos PNJ lors des dialogues !? Et bien interprétez vos monstres lors des combats : rendez-les inquiétants, sournois, animal, fourbes etc… Ils se mettent à couvert, tentent de se faufiler, ils se mettent en colère, intimident, se servent du décor. En faisant de la sorte, vos PJ devraient aimer retrouver un peu de challenge dans leurs combats.

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(2 commentaires)

  1. Très bon article comme toujours. Je suis d’accord en tous points, et ça me rappelle aussi une anecdote.

    Dans un Cthulhu (le jeu par excellence qui fait peur avec des monstres pas nettes) j’ai envoyé dans l’hotel particulier des joueurs 3 goules. De nuit bien sur.
    Avec le noir, les jeux de bruits, les caches multiples possibles et de multiples hallucinations, j’ai réussi à leur faire monter la sauce dans un silence quasiment total.
    Au moment venu, j’ai enclenché ma petite musique bien choisie pour l’occasion (genre gros son discordant et soudain) et je les ait littéralement cloués sur place. Même après avoir farci les créatures de dizaines de balles en hurlant (tout ça dans le noir, et après avoir pour certain un peu souffert de la rencontre), ils ont mis un peu de temps avant d’oser s’en approcher pour voir ce que c’est.
    A la description d’une créature finalement très humanoïde, ils sont tombés de haut ; je ne sais pas du tout ce qu’ils ont pu imaginer !

    • Prince Noir on 1 décembre 2010 at 21 h 42 min

    Tout à fait d’accord… « suggérer » est toujours plus redoutable que de « montrer »…

    La référence, dans la catégorie film, c’est ALIEN (le 1er film bien sur : « le huitième passager »)… un « must » dans le genre. Il n’y a qu’à compter le nombre de fois où le monstre apparait, cadré, en entier, à l’écran, pour comprendre. Un véritable « cas d’école »…

    ça me rappelle une vieille anecdote, au cours d’une partie de « Keutoulou » 😉 le MJ commence à décrire une chose hideuse surgissant de l’obscurité, avec moult détails sur l’aspect horrible de la créature. Tous les joueurs terrifiés, n’osant pas bouger… et puis… c’est le drame… le MJ prononce le nom de la créature : »et oui c’est un goule ». Et là, un des joueurs (« gros bill » par excellence) s’écrie alors : « Ah bon c’est qu’une goule ? Okay j’y vais au contact ! » 🙂

    Dès lors, dès que j’ai commencé à « masteriser » moi même, j’ai appris à ne plus reproduire ce genre d’erreur. A savoir; donner le nom des créatures et trop de détails techniques aux joueurs…

    Suggérer : toujours…
    Dévoiler : le plus tard possible…

    Qui a encore peur devant des hectolitres d’hémoglobines balancés contre les murs et un « jardinier »* avec un masque de hockey, poursuivant des ados débiles ? Personne…

    Par contre, en plein coeur de la nuit, un lieu clos, une bâtisse d’apparence abandonnée, des meubles poussiéreux, un plancher qui craque, des bruits étranges (rire d’enfant, chuchotement malsain, etc) semblants venir des autres pièces, rajoutez une ou deux hallucinations olfactives ou visuelles : « Mais si putain je te jure, y’a même pas deux minutes j’ai vu du sang couler de ce foutu robinet ! »

    Et vous verrez que, même les joueurs les plus aguerris, sentiront la pression monter grâce à leur propre imagination. Et cela, avant même l’apparition de tout monstre 😉

    Prince Noir

    * oui on dit un « jardinier » : celui qui utilise tout un tas « d’ustensile de jardinage » pour massacrer ses victimes 😉

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