Un peu de théorie de café de comptoir sur les descriptions orales en JDR…
Lorsque vous procédez à des descriptions, vous détaillez à vos joueurs, de manière orale des informations primaires, il s’agit de tous les stimuli visuels, olfactifs, auditifs, etc., que sont sensés ressentir leur personnage. Mais à côté de ces informations relativement objectives (il fait jour, il est 10h du matin, la veste de l’homme est rouge, l’herbe est humide, la douleur est fulgurante, la femme de l’aubergiste est barbue etc.), vous diffuserez volontairement ou non un autre type d’information : des informations secondaires ou parasites.
Explication : une information secondaire est ce que je définis comme une information qui accompagne le message principal au cours d’une description, elle a généralement un caractère subjectif très prononcé et provient de divers éléments comme la connotation, la sonorité des mots utilisés, la combinaisons de mots, où de ce que peuvent évoquer certains mots dans l’esprit de vos joueurs. Bien sûr, les informations secondaires peuvent aussi provenir de votre intonation de voix, de votre regard, de vos gestes au moment de votre description, mais ici, nous ne nous intéresserons qu’à celles contenues dans les phrases que vous emploierez.
Une information est secondaire lorsqu’elle est adaptée à l’ambiance que vous souhaitez installer lors de votre partie de JDR. Elle devient parasite lorsqu’elle contrarie l’ambiance que vous essayez d’installer.
Exemple : voici une description simple, sans information secondaire : « Vous vous trouvez dans un cimetière, il fait nuit, la lune est pleine.. »
Maintenant, incorporons-y quelques informations secondaires (celles qui vont vraiment installer une ambiance dans votre scène) cela pourra donner : « Vous venez de vous faufiler dans ce vieux cimetière, la nuit vous enveloppe froidement, et l’éclat de la lune pleine et la seule chose qui pourrait révéler votre présence aux yeux de qui pourrait vous voir. » Revenons sur cette dernière phrase, l’information principale qui est sensée détailler les éléments objectifs de la scène n’a pas bougé d’un pouce : le cimetière, la nuit, la lune est pleine. En revanche, vous avez, grâce aux informations secondaires, apporté plein d’éléments d’ambiance :
Le verbe « se faufiler » peut donner à penser aux joueurs que leurs PJ essayent de se tapir pour ne pas être vus, ils peuvent presque croire qu’ils tiennent le rôle de petites souris sans défense, ce qui peut préparer l’ambiance d’une rencontre proche avec un monstre par exemple. Comprenez, une souris qui se faufile fait beaucoup moins la maligne qu’un héros qui avance majestueusement lorsqu’il s’agit de se battre contre un zombie !
Le fait que le cimetière soit « vieux » est une sorte de feu vert pour l’imagination de vos joueurs qui pourront tout à coup s’imaginer des tas de signes de vieillesse dans les lieux, des signes qui rendront votre cimetière tout à coup bien plus lugubre : du lichen centenaire sur les tombes, des traces de rouilles sur les croix, d’antiques croix celtiques rongées par le temps, des buissons épars et desséchés etc.
La nuit qui les « enveloppe froidement » ne sera pas sans leur rappeler la mort et d’autres sentiments peu attirants (le contact avec un reptile, la noyade, les frissons, etc.).
L’histoire de la lune qui « pourrait révéler leur présence » est là pour leur faire sentir qu’ils ne sont pas des prédateurs tapis confortablement dans l’ombre, mais plutôt des intrus exposés à la lumière, et qu’ils feraient mieux de se cacher.
« de qui pourrait vous voir » est une partie de phrase qui ne fait que leur suggérer que quelqu’un ou pire, quelque chose pourrait les épier de derrière une tombe, où d’une maison proche etc. Vive la paranoïa.
Voyez au contraire l’effet que donnera la description suivante qui possède toujours la même information principale : « Vous avez finalement réussi à y rentrer dans ce cimetière ! Il fait bien noir, mais rassurez-vous, vous n’allez pas vous prendre les pieds dans un râteau car la pleine lune éclaire bien la scène. » Vous sentez évidemment la différence.
Voilà comment un vocabulaire bien adapté à votre ambiance peut vous servir.
Attention, avant d’aller plus loin, faisons quelques précisions :
Choisir et développer son vocabulaire pour faire de bonnes descriptions d’ambiance ne veut pas dire utiliser un tas de mots très précis et très compliqués ! Avoir un bon vocabulaire rôlistique veut aussi signifier : pouvoir se faire comprendre du plus grand nombre. Les mots les plus compliqués que vous utiliserez tiennent plus de la « bifurcation » que du « jéroboam de corozo ». Je vous conseille également, lorsqu’un mot peu commun se profile (ex : un appentis), de ne toujours le définir oralement, sans demander aux gens s’il savent ce qu’il signifie (histoire de rester clair, tout en ménageant d’éventuelles susceptibilités). Dans notre cas, ça donnerait :
« Au niveau de la maison, vous distinguez comme un mouvement derrière la silhouette de l’appentis, cette petite construction de bois appuyée contre le mur de la maison qui sert souvent de remise à outils… »
Faire de belles descriptions avec de bonnes informations secondaires ne signifie pas être poète et débiter pour vos descriptions des formules inappropriées tout droit tirées d’un livre de Balzac ou d’un poème de Verlaine. Sachez rester simples, concis mais sachez cultiver un style oral fleuri, imagé…
Cette histoire d’informations principales & secondaires, n’essayez pas de l’appliquer mécaniquement, vous ne seriez pas crédibles. Voyez cela comme la prose du Bourgeois gentilhomme : vous devez déjà en faire sans le savoir, le tout est de devenir ou de rester performant dans votre diffusion des informations secondaires. Pour cela, il n’y a pas trente-six méthodes, redécouvrez le plaisir de lire, de vous documenter, pensez à la chaine Planète, à Histoire ou Voyage à laisser tourner en fond dans votre salon pendant que vous tissez votre nouvelle côte de maille etc.
Tout cela vous semble un peu compliqué et assez éloigné de votre conception du JDR, vous avez raison, cette page n’est là que pour ceux qui ont vraiment envie de remonter aux sources de la description pour… heu… disons… comprendre ;], mais lisez au moins la suite, ça risque d’être beaucoup plus concret.